Acanthe
Note d'intention
Dans la mythologie grecque, Acanthe est une nymphe convoitée par Apollon, dieu des arts, de la poésie et de la beauté masculine. Elle le griffe pour lui échapper. Pour se venger, il change Acanthe en plante épineuse amante du soleil. Acanthe signifie aussi en langage des fleurs « Amour de l’art. Rien ne pourra nous séparer. »
Troisième création du Collectif ATA, Acanthe aborde les vies des femmes de ma famille et des lieux dont elles sont originaires. J’ai pu y puiser la force pour poursuivre mon chemin après la réminiscence d’actes vécus dans la petite enfance.
À 26 ans, les agressions sexuelles commises par mon grand-père sont revenues à ma conscience. J’étais alors une enfant âgée de quatre ans.
Le phénomène qui m’a protégée, pendant toutes ces années, se nomme amnésie traumatique. Au moment de la réminiscence des actes, je venais de débuter ma formation au Conservatoire régional à Paris. J’ai dû l’interrompre sous le poids de l’effroi. Tout mon récit personnel, ce que j’avais appris sur moi, sur le sens de la vie, sur la société et le monde, venait de voler en éclat.
Le chemin des ateliers de danse à la Cartoucherie de Vincennes s’est ensuite présenté et j’ai décidé de l’emprunter. Le corps en mouvement me révélait peu à peu, et bien davantage, une autre compréhension du vivant.
Des forces protectrices et réconfortantes s’y trouvaient me permettant de reprendre pied. Je suis ensuite partie à la recherche de mes racines qui ont été des sources de profondes transformations. J’ai redécouvert les traditions paganistes des lieux où mes ancêtres avaient grandi, étudié les rituels de vie ordonnés par les calendriers chrétiens : les fêtes, les processions, les travaux agricoles guidés par le rythme des saisons. Quelque chose comme une définition plus ample de moi m’est apparue. La compréhension de ce qui me composait réintégrait toutes les lignées de femmes qui m’avaient précédée et donné la vie.
Leurs récits de vie m’ont permis de saisir l’héritage reçu par la pousse que j’étais dans cette étrange forêt familiale. Les vécus des unes et des autres me sont aussi apparus nécessaires à entendre par la voix de mes proches. L’absence de certaines d’entre elles au moment de me questionner sur leur trace laissée dans ma vie m’a invitée à les retrouver dans la simplicité de leurs activités journalières. J’ai alors tenté de recomposer les gestes de leur quotidien passé dans des cuisines dotées de calorifères « Rosières », dans les jardins potagers qu’elles bêchaient, et dans leurs armoires où étaient rangées leurs blouses et leurs robes de mariée.
Acanthe est devenu le moyen, aux allures d’une machine à remonter le temps, pour aller à leur rencontre tout en faisant écho aux vécus de femmes que les évènements actuels portent cruellement sur le devant de la scène.
Pour finir, Il est aussi question d’une quête et d’un renouvellement de soi pour continuer le chemin qui nous mène vers la liberté à chaque saison.